Priorisation des nouvelles infrastructures de transport - Commission Mobilité 21

Le Jeudi 2 mars 2017

La commission « Mobilité 21 » a été instituée par le ministre en charge des transports, de la mer et de la pêche à la demande du Gouvernement. Elle est chargée, dans le cadre de l'élaboration du schéma national des infrastructures de transport (SNIT), de formuler des recommandations en vue de créer les conditions d'une mobilité durable et de hiérarchiser les projets d'infrastructures

Le schéma national des infrastructures de transport (SNIT) en 2011

Un projet de schéma national des infrastructures de transport (SNIT), destiné à planifier les orientations de la politique des transports, et notamment la création des grandes infrastructures nouvelles est rendu public en novembre 2011. Il comporte un montant d'opérations et de projets à réaliser sur 25 ans évalué à plus de 245 milliards d'euros – dont 88 milliards d'euros au moins à la charge de l’État.

 

La commission Mobilité 21 en 2013

L'ampleur de ces investissements n'apparaissant pas soutenable financièrement pour l’État, ses établissements publics et les collectivités territoriales, il faut, définir des priorités. Le Ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche  installe en octobre 2012, une commission dite « Mobilité 21 », composée de parlementaires et d'experts reconnus.

La commission dont la présidence a été confiée à Philippe Duron, député du Calvados, est chargée de « trier, hiérarchiser, et mettre en perspective les grandes infrastructures mais aussi de réfléchir aux évolutions des services, en donnant la priorité aux transports du quotidien, à la rénovation des réseaux existants et l’amélioration à court terme du service rendu aux usagers ».

 

Les constats dressés par la commission

La commission inscrit son travail dans le respect des objectifs de la transition écologique et énergétique posés par le Président de la République. Dans ce contexte et alors que le besoin de mobilité devrait rester soutenu, la commission a dressé plusieurs constats majeurs :

  • Les réseaux de transport nationaux sont bien développés et les investissements en la matière ont été particulièrement importants ces dernières années avec notamment le lancement de quatre nouvelles LGV. Les ressources publiques qui peuvent être consacrées au système de transports ne permettent pas de poursuivre le développement des réseaux au rythme actuel et a fortiori au rythme que demanderait la mise en œuvre du SNIT. Cela est d’autant plus vrai que la satisfaction des besoins d’entretien et de modernisation de l’existant qui doit constituer la toute première priorité en matière d’investissement appelle des efforts supplémentaires.
  • Tous les territoires doivent pouvoir bénéficier de transports performants. Cependant, l’offre doit être adaptée aux situations pour être soutenable aux plans économique, social et environnemental. De même, si la dimension européenne est un élément majeur de nombreux projets, elle doit trouver sa place à côté de l’amélioration des transports du quotidien, de la lutte contre la fracture territoriale et du soutien à la compétitivité économique.
  • Le modèle de développement ferroviaire est à revisiter. Ses déséquilibres financiers, la faiblesse du fret ferroviaire, l’absence de réflexions sur les alternatives possibles à la grande vitesse ou encore l’insuffisante prise en compte des problèmes auxquels sont confrontés les principaux nœuds du réseau alors que ceux-ci affectent d’ores et déjà le fonctionnement d’ensemble du système sont autant de problématiques qui invitent de fait à sa rénovation.
  • La priorité doit être donnée aux modes de déplacements et de transports alternatifs à la route. Pour autant, cette dernière reste le principal mode de transport et souvent la seule réponse pratique pour la desserte des territoires peu denses et les trajets terminaux. La préservation du patrimoine routier existant est dans ce contexte nécessaire ainsi que l’évolution de son usage pour en faire davantage le support de mobilités collectives.
  • La faiblesse des grandes plates-formes portuaires françaises de niveau européen et de l’organisation logistique au plan national pénalise la compétitivité et l’attractivité de l’économie nationale. Elle constitue au-delà un handicap majeur pour la massification des flux et le développement des modes alternatifs à la route sur le territoire national.
  • Les modalités de financement et de gouvernance de la politique de transport ne garantissent pas aujourd’hui une association satisfaisante des collectivités et du Parlement aux décisions d’investissement de l’Etat, ni une véritable approche intermodale dans l’identification des priorités au niveau local.

 

Les recommandations de la Commission

Face à ces constats, la commission a formulé un peu plus d’une vingtaine de recommandations qui s’articulent autour de quatre axes principaux.

1. Garantir la qualité d’usage des infrastructures de transport

La commission recommande d’intensifier très sensiblement l’effort de conservation et de modernisation des réseaux ferroviaires, routiers et fluviaux. Elle juge tout particulièrement dans ce cadre que les montants alloués par l’AFITF à la régénération routière, à la régénération fluviale, aux contrats de projets Etat-régions, aux programmes de modernisation des itinéraires routiers et à l’engagement national pour le fret ferroviaire doivent être sensiblement augmentés. Elle estime aussi qu’une réflexion sur le lissage de la demande de transport collectif en heure de pointe mériterait d’être engagée.

2. Rehausser la qualité de service du système de transport

La commission recommande de donner en matière d’investissements de développement la première priorité au renforcement des plates-formes portuaires de niveau européen que sont notamment Le Havre-Rouen, Marseille et Dunkerque, ainsi qu’au traitement des nœuds à enjeux du réseau ferroviaire notamment de Lyon, Paris et Marseille dont l’importance pour les circulations nationales est déterminante. Par ailleurs, elle recommande de mener au plus tôt, au-delà du renouvellement engagé des matériels thermiques sur le réseau capillaire, le renouvellement complet des matériels thermiques sur le réseau capillaire, le renouvellement complet des matériels roulants des grandes lignes de trains d’équilibre du territoire que sont Paris-Clermont-Ferrand, Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, Paris-Caen-Cherbourg et Bordeaux-Marseille-Nice. Elle préconise aussi de renforcer et d’élargir le soutien que l’Etat apporte au développement des mobilités propres (transport collectif mais aussi véhicules électriques, marche à pied et vélo) ainsi qu’au fret ferroviaire de proximité. Elle estime enfin nécessaire d’améliorer l’information sur l’offre en transport collectif sur le périmètre national ainsi que de valoriser la logistique française.

3. Améliorer la performance d’ensemble du système ferroviaire

La commission invite instamment à examiner les possibilités d’améliorer l’organisation, les méthodes et les principes applicables aux travaux et à l’exploitation en ligne et en gare, de réduire les coûts de construction, d’exploitation et de maintenance du réseau ferroviaire. Elle recommande de mieux harmoniser l’offre ferroviaire entre TET et TER et de vérifier la pertinence des lignes ferroviaires les moins fréquentées en examinant, le cas échéant, l’intérêt d’expérimenter un transfert de certains services sur autocars. Elle préconise enfin la mise en place d’observatoires ouverts à tous les acteurs pour lever les controverses qui existent sur les horizons de saturation fondant l’opportunité de création de plusieurs lignes nouvelles.

4. Rénover les mécanismes de financement et de gouvernance du système de transport.

Le financement de la politique des services et des infrastructures de transport est exigeant pour la Nation. La commission recommande la tenue d’assises nationales sur ce sujet et plaide pour la rénovation des mécanismes de contractualisation entre l’Etat et les régions. Elle propose en particulier la création d’un contrat régional spécifique de mobilité durable, pour remplacer le volet transport des contrats de projets Etat-région et les programmes de modernisation des itinéraires routiers et permettre une véritable approche intermodale des besoins en matière de services et d’infrastructures de transport. Au-delà, la commission suggère de renforcer l’association des grandes collectivités aux décisions de l’AFITF, ainsi que celle du Parlement à la définition des objectifs de la politique des transports de l’Etat : la politique de l’Etat pourrait faire l’objet d’une loi de programmation ou d’orientation réexaminée tous les cinq ans.

 

La Commission réalise une proposition de hiérarchisation

La commission propose une hiérarchisation des projets de l’Etat qui n’ont pas vocation à relever des programmations pluriannuelles que constituent les contrats de projet Etat-régions, l’engagement national pour le fret ferroviaire ou les programmes de modernisation des itinéraires routiers.

La hiérarchisation opérée par la commission retient trois groupes :

  1. Premières priorités : les projets qui devraient être engagés sur la période 2014-2030. Les études et procédures de ces projets doivent être poursuivies en vue de leur engagement avant 2030 ;
  2. Secondes priorités : les projets dont l’engagement doit être envisagé entre 2030 et 2050. Les projets concernés doivent être poursuivis en études afin d’en approfondir la définition et permettre leur engagement sur la période 2030-2050 ;
  3. Projets à horizons plus lointains : les projets à engager au-delà de 2050 et dont les études doivent être arrêtées aussi longtemps qu’aucun élément ne justifie leur relance.

Au sein de chaque temporalité, les projets ne sont pas classés. Par ailleurs, les deux premières temporalités sont cohérentes avec celles retenues pour la politique européenne des transports.

Concernant les premières priorités, la commission a tenu à s’assurer que le montant des investissements est cohérent avec le volume de ressources disponibles. Deux scénarios financiers ont été envisagés : le premier suppose que les ressources de l’AFITF soient maintenues constantes à 2,26 Md€ entre 2017 et 2030 ce qui permet d’engager, sur la base des clés de financements usuels entre Etat, collectivités locales et autres partenaires, entre 8 et 10 Md€ de travaux d’ici 2030 ; le second prévoit une augmentation des ressources de l’agence d’environ 400 M€ par an, ce qui permet d’engager entre 28 et 30 Md€ de travaux d’ici 2030. Ces deux scénarios tiennent compte des évolutions de dépenses préconisées pour l’entretien et la modernisation des réseaux, le renouvellement du matériel roulant TET ou encore le soutien de l’Etat aux mobilités propres.

Compte tenu des incertitudes du calendrier de mise en chantier de la liaison Lyon-Turin, la commission a jugé préférable d’en faire abstraction dans son raisonnement, pour mieux donner à voir l’ensemble de l’effort nécessaire pour tous les autres projets. Elle a tenu le même raisonnement pour le projet de canal Seine Nord Europe, pour lequel le ministre chargé des transports venait à l’époque de décider d’une mission de reconfiguration.

Dans le scénario n° 1, la commission retient en premières priorités un nombre resserré de projets qui s’inscrivent en cohérence avec sa recommandation de placer au cœur des financement l’amélioration des liaisons des plates-formes portuaires de niveau européen avec leur hinterland et le traitement des grands points noirs du réseau ferroviaire. On trouve ainsi deux projets en lien avec l’amélioration des dessertes respectivement du port de Marseille-Fos (autoroute A56 Fos-Salon) et du port du Havre (modernisation de la ligne ferroviaire Serqueux-Gisors). On y trouve aussi le traitement des premières priorités des nœuds ferroviaires centraux que sont Lyon, Marseille, Paris Gare de Lyon et Paris St Lazare-Mantes ainsi qu’une provision pour intervenir ponctuellement sur d’autres nœuds à enjeux du réseau ferroviaire tels que Bordeaux, Toulouse, Strasbourg, Rennes, Creil, Nîmes, Metz, Nancy, Mulhouse, Saint-Pierre des Corps ou encore Paris Gare du Nord.

Enfin, au regard des financements disponibles, des résultats des évaluations et des comparaisons entre projets, la commission retient dans les premières priorités les projets de LGV Roissy-Picardie et d’aménagement de la route centre Europe-Atlantique en Allier et Saône et Loire.

Dans le scénario n° 2, la commission poursuit son objectif de confortement des nœuds ferroviaires en ajoutant notamment dans les premières priorités le traitement des nœuds de Nice et de Rouen dont l’importance des coûts ne permettaient pas une inscription dans le scénario n°1.

Par ailleurs, la commission propose d’ajouter à la liste des premières priorités la branche Bordeaux-Toulouse du Grand Projet du Sud-Ouest (GPSO) la mise à grand gabarit de la Seine-amont entre Bray-sur-Seine et Nogent-sur-Seine ainsi que différents projets routiers : l’aménagement du tronc commun RN154/RN12 entre Dreux et Nonancourt, le contournement d’Arles, la liaison A31bis entre Toul et la frontière luxembourgeoise, la liaison autoroutière A28-A13 de contournement Est de Rouen, la liaison A45 entre Lyon et Saint-Etienne et l’aménagement de la RN 126 entre Toulouse et Castres.

La commission a pris note que la réalisation de la LGV Paris-Orléans-Clermont-Lyon, de l’interconnexion Sud Ile-de-France, de la branche Bordeaux-Hendaye du GPSO, de la ligne nouvelle Perpignan-Montpellier ou encore du contournement ferroviaire de l’agglomération lyonnaise (CFAL) est largement liée à la saturation attendue de lignes existantes. Compte tenu de la difficulté à définir précisément l’horizon de cette saturation, la commission a jugé que les conditions justifiant l’engagement des projets concernés ne seraient pas réunies avant 2030, mais à jugé utile dans le scénario n°2 de prévoir une réserve de précaution de 2 Md€ pour d’éventuels premiers travaux.

 

Les membres de la commission

Les élus

  • André Chassaigne, député PCF – Front de Gauche du Puy de Dôme et président du groupe GDR à l’Assemblée Nationale,  membre de la commission des affaires économiques ;
  • Michel Delebarre, sénateur PS du Nord, membre de la commission des lois, maire de Dunkerque, ancien ministre de l’équipement, des transports et de l’aménagement du territoire ;
  • Philippe Duron, député PS du Calvados, membre de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, maire de Caen, président de l’AFITF, président de la commission ;
  • Louis Nègre, sénateur UMP des Alpes Maritimes, secrétaire de la commission du développement durable, maire de Cagnes-sur-Mer ;
  • Bertrand Pancher, député UDI de la Meuse, membre de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire ;
  • Eva Sas, députée EELV de l’Essonne, vice-présidente de la commission des finances.

Les personnes qualifiées

  • Jean-Michel Charpin, inspecteur général des finances, ancien commissaire au plan, ancien directeur général de l’Insee ;
  • Yves Crozet, professeur d’économie à l’institut d’études politiques de Lyon, membre du laboratoire d’économie des transports (LET) ;
  • Marie-Line Meaux, inspectrice générale de l’administration du développement durable, présidente de la 4ème section « risques, sécurité, sûreté » du Conseil général de l’environnement et du développement durable ;
  • Patrice Parisé, ingénieur général des ponts des eaux et des forêts, président de la 5ème section      «  Sciences et techniques » du Conseil général de l’environnement et du développement durable, ancien directeur des routes.

 

La programmation des infrastructures

À la suite de la remise des conclusions de la commission, le Premier ministre présente, le 9 juillet 2013, un plan d’investissement qui comporte un volet transports. Ce plan accorde la priorité aux services et à l’amélioration du réseau existant. Concernant les investissements, il prend pour référence le scénario 2 de la commission qui prévoit notamment 30 milliards d’investissements engagés avant 2030. S’agissant de la priorisation des grands projets d’infrastructure, la Gouvernement fait globalement siennes les conclusions de la commission qui servent donc de cadre aux programmes d’études et de travaux mis en œuvre.

Pour aller plus loin

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