Vers un système électrique plus flexible

Le Lundi 19 mars 2018

Le fonctionnement du système électrique connaît actuellement une transformation importante, du fait du développement des énergies renouvelables décentralisées, des transferts d’usages vers l’électricité, des nouvelles possibilités offertes par les réseaux intelligents et le pilotage de la demande, ainsi que, dans un calendrier plus incertain, du développement du stockage. Dans ce contexte, un développement équilibré des différentes sources de flexibilité dont dispose le système électrique est nécessaire pour optimiser aussi bien la production que la consommation.

La complémentarité des leviers de flexibilité

Assurer la sûreté du système électrique nécessite de disposer d’une flexibilité suffisante pour faire face aux variations de court terme de l’offre et de la demande. Un diagnostic des besoins de flexibilité induits par l’accroissement de la variabilité de l’offre et de la demande à court terme, conséquence de l’arrivée des énergies renouvelables et du développement de nouveaux usages de l’électricité, a été effectué par RTE dans son bilan prévisionnel 2015. Ce diagnostic effectué par RTE montre que le système électrique est capable de faire face aux besoins de flexibilité à l’horizon 2023, grâce notamment aux installations hydroélectriques.

Il importe cependant de s’assurer dès maintenant que les infrastructures énergétiques, dont les durées de vie sont généralement longues par rapport aux évolutions du système électrique, soient capables de contribuer aux besoins croissants de flexibilité au-delà de 2023. L’analyse de RTE fait en effet état d’une modification significative de l’allure de la courbe de consommation résiduelle (i.e. nette de la production renouvelable) dans un mix électrique comprenant 36 GW d’éolien installé, dont 9 en mer, et 24 GW de photovoltaïque, ces niveaux pouvant être atteints à l’horizon 2025 si les objectifs de la Programmation Pluriannuelle de l’Energie sont atteints.

Pour équilibrer en temps réel les niveaux de production et de consommation sur le territoire et gérer l’intermittence, le système électrique dispose de cinq leviers complémentaires :

  • Le pilotage de la demande électrique, au travers des effacements de consommation, permet de déplacer la consommation des périodes de forte consommation vers les périodes de forte production renouvelable. Les effacements peuvent également rendre des services au système en proposant des réductions rapides de la consommation.

  • Le stockage, qui peut être alternativement une source de production et de consommation, est potentiellement capable de faire face à tous les enjeux liés à la gestion de l’intermittence. Le stockage permet d’aplanir les pointes de production renouvelable et de transférer l’énergie vers les pointes de consommation, et ce à différentes échelles temporelles (allant de moins d’une heure à plusieurs années en fonction des technologies) : à ce titre, il contribue aussi bien à la gestion des périodes de surplus que des périodes de déficit de production renouvelable. Le stockage est potentiellement capable de participer aux services systèmes et de mettre son inertie au service du système électrique.

  • Le réseau (transport, distribution et interconnexions) est le seul moyen qui permet d’agréger géographiquement la production renouvelable et de bénéficier ainsi des effets de foisonnement de leur production, ce qui facilite la gestion de l’intermittence. Le réseau permet par ailleurs de raccorder les centres de demande aux sites au fort potentiel de production renouvelable.

  • L’autoconsommation / autoproduction pourrait présenter des opportunités pour le développement de mesures de flexibilité portant sur la valorisation des excédents de production couplée avec l’autoconsommation / autoproduction : technologies matures comme le stockage d’énergie thermique dans les usages (notamment ballons d’eau chaude sanitaire) ou émergentes (« power-to-gas », véhicules électriques, couplages des réseaux électriques et de chaleur, etc.) par exemple.

  • Les unités de production programmables et flexibles participent aux mécanismes d’ajustement et de réserve et sont capables de faire varier leur niveau de production pour s’ajuster à la consommation résiduelle. Certaines peuvent démarrer rapidement (entre 15 et 30 minutes) pour couvrir les périodes de faible production renouvelable, et à l’inverse s’arrêter lorsque les énergies renouvelables sont suffisantes. La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte prévoit que les installations de production d’électricité à partir d’énergies renouvelables raccordées au réseau de distribution soient progressivement mieux intégrées au système électrique, lorsque cela est justifié d’un point de vue technique et économique.

Le développement de ces sources de flexibilité doit accompagner l’essor des énergies renouvelables de manière à respecter les exigences de sécurité de l’approvisionnement électrique.

Les effacements de consommation

Un effacement de consommation consiste à réduire temporairement la consommation d’électricité d’un site par rapport à sa consommation normale, sur une base volontaire. Les fournisseurs et certains opérateurs spécialisés proposent à leurs clients (les consommateurs particuliers ou industriels) des solutions techniques pour « mettre en pause » pendant quelques minutes ou quelques heures certains de leurs équipements dont la consommation est flexible (exemples : cellules électrolytiques, fours industriels ou, pour les particuliers, radiateurs, ballons d’eau chaude, climatiseurs).

On peut distinguer les effacements dits « tarifaires » (le prix de l’électricité est modulé en fonction des jours et incite à des réductions de consommation sur certaines périodes, c’est le cas notamment des tarifs réglementés « Effacements Jour de Pointe » et « Tempo ») et des effacements « dissociables de l’offre de fourniture » (un opérateur d’effacement contractualise avec un consommateur et valorise sur les marchés les volumes non consommés).

A travers ces différents types d’effacement, certains consommateurs peuvent offrir de quelques kilowatts à quelques mégawatts de puissance flexible ce qui, étendu à un grand nombre de consommateurs, permet de réduire significativement la puissance appelée sur le réseau en cas de tension sur l’équilibre offre-demande. Les effacements de consommation peuvent ainsi contribuer à la sécurité d’approvisionnement sur le réseau et, à moyen terme, permettre de limiter les besoins de développement de nouvelles capacités de production.

Les effacements dissociables de l’offre de fourniture se sont développés de manière significative au cours des dernières années, avec l’émergence d’opérateurs d’effacement indépendants, sous l’impulsion de nouveaux dispositifs mis en place par le Gouvernement, et devraient compenser l’érosion des effacements tarifaires observée à la fin des tarifs réglementés de vente d’électricité pour les moyens et grands consommateurs au 31 décembre 2015.

Ainsi, la loi n° 2013-312 du 15 avril 2013 a mis en place un nouveau cadre réglementaire permettant à un opérateur d’effacement de valoriser directement des effacements de consommations d'électricité sur les marchés de l'énergie, indépendamment de l’accord du fournisseur d’électricité.

La loi n°2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte a confirmé ce cadre de valorisation des effacements de consommation, en précisant certaines de ses modalités et en mettant en place un cadre spécifique pour les effacements de consommation conduisant à des économies d’énergie significatives.

Par ailleurs, le mécanisme de capacité mis en place par le Gouvernement, qui vise à assurer la sécurité d’approvisionnement en France, permet depuis 2017 de valoriser l’apport des effacements pour l’équilibre offre-demande à la pointe, ce qui encouragera leur développement.

En complément, des appels d’offres dédiés, prévus par la loi et organisés par RTE, permettent de soutenir le développement de nouvelles capacités d’effacement au service du système électrique.

L’appel d’offres effacement pour l’année 2019 a fait l’objet d’un avis d’appel d’offres au Journal officiel de l’Union européenne le 14 mars 2018.

Enfin, l’interruptibilité est un dispositif assurantiel, introduit fin 2012 et renforcé par la loi relative à la transition énergétique, qui permet au gestionnaire du réseau de transport de procéder, en cas de menace grave et immédiate sur l’équilibre offre/demande, à l’interruption de certains consommateurs à profil de consommation interruptible, avec un délai très court (quelques secondes).

RTE retient dans son bilan prévisionnel un potentiel d’effacement de l’ordre de 3 à 3.5 GW dans les prochaines années, dont 1 à 1.5 GW d’effacements tarifaires. Il faut y ajouter les flexibilités proposées par les consommateurs dans le cadre d’autres dispositifs, comme les services système ou l’interruptibilité, ce qui conduit au total à une offre d’effacement au sens large supérieure à 4 GW. La programmation pluriannuelle de l’énergie fixe l’objectif de 6 GW de capacités totales d’effacement d’ici 2023.

Hypothèses retenues de puissance d’effacements hivernaux cumulable dans le bilan prévisionnel 2016 de RTE

Hypothèses retenues de puissance d’effacements hivernaux cumulable dans le bilan prévisionnel 2016 de RTE

Source : Bilan prévisionnel 2016, RTE. Ce graphique prend en compte les effacements tarifaires des fournisseurs, qu’ils soient historiques ou alternatifs, et les effacements constitués par un appel d’offres spécifique. Certains effacements n’y sont ainsi pas comptabilisés, comme ceux qui participent aux services système ou au dispositif d’interruptibilité.

Le stockage

Le développement des technologies et des capacités de stockage de l’électricité représente un enjeu important pour les années à venir dans une perspective de diversification du mix électrique, avec notamment l’augmentation de la part des énergies renouvelables intermittentes (solaire, éolien) dans la production d’énergie électrique mais aussi de développement des bâtiments à énergie positive et des territoires à énergie positive. L’essentiel de ce développement aura toutefois lieu à un horizon de moyen-long terme.

État des lieux des technologies

Il existe à ce jour un grand nombre de technologies de stockage d'énergie en cours de développement, chacune avec des coûts, des degrés de maturité et des caractéristiques techniques de puissance, énergie, temps de réponse, durées d’intervalles entre charge et décharge, densité énergétique différents visant des marchés de stockage centralisé, distribué ou diffus. Les technologies sont ainsi davantage complémentaires les unes aux autres qu’en concurrence et permettent de répondre à des services différents.

Les solutions de stockage d’énergie se divisent en trois catégories principales :

  • Le stockage « mécanique » comprenant d’une part, les installations utilisant l’énergie mécanique potentielle telles que les Stations de Transfert d’Energie par Pompage (STEP), les barrages hydro-électriques, le stockage d’énergie par air comprimé (CAES – Compressed Air Energy Storage) et celles utilisant l’énergie mécanique cinétique telles que les volants d’inertie.

  • Le stockage « électrochimique » : les piles, les batteries, les condensateurs, l’hydrogène, ce dernier constituant un vecteur de conversion de l’énergie, en particulier entre réseaux d’électricité et de gaz (« power to gas ») ou pour la mobilité (piles à combustible pour véhicules);

  • Le stockage « thermique », par chaleur latente ou sensible (ex : ballons d’eau chaude).

La figure ci-dessous présente les caractéristiques énergie/puissance des différentes technologies.

Caractéristiques énergie puissance des différentes technologies

Les services rendus par le stockage pour le système électrique sont de natures différentes :

  • Production d’électricité : optimisation de la production (ex : lissage, suivi de charge, déplacement de la production, arbitrage marché) ;

  • Transport d’électricité : participation aux services systèmes conformément aux codes de réseau, arbitrage avec la construction de nouvelles lignes ;

  • Distribution : arbitrage avec la construction de nouvelles lignes, contrôle de la tension et sécurisation de la distribution ;

  • Consommation : diminution de la pointe de consommation, continuité de la fourniture, autoconsommation voire autonomie énergétique sur des sites isolées ;

Concernant les services apportés aux opérateurs de réseaux d'électricité, le stockage d'énergie est directement en concurrence avec le renforcement de réseaux pour répondre à des contraintes locales. Si ces contraintes sont jugées pérennes, un opérateur de réseau aura aujourd’hui plutôt intérêt à renforcer le réseau (en fonction toutefois du coût de ce renforcement). Cependant, il pourrait utiliser temporairement (plusieurs mois à plusieurs années) des capacités de stockage d'énergie mobiles pour différer ces investissements. Par ailleurs, pour que le stockage s’insère en toute sécurité dans le système électrique, il est nécessaire que les gestionnaires de réseaux de distribution soient informés des caractéristiques et de la localisation des installations de stockage.

A l’heure actuelle, aucune technologie de stockage d'électricité ne permet de couvrir l’ensemble de ces services simultanément et les services rendus peuvent également dépendre du positionnement de l’installation sur les réseaux électriques. La pertinence économique d’un moyen de stockage augmente avec le nombre de services qu’il peut rendre puisqu’elle est capable de dégager davantage de valeur et est de fait plus difficilement substituable par d’autres dispositifs.

Les perspectives de développement

Les Stations de Transfert d’Énergie par Pompage (STEP) et les barrages hydroélectriques constituent actuellement le moyen de stockage à grande échelle le plus important en France (4,3 GW de STEP et 13 GW d’hydraulique avec réservoir). Les STEP restent les seuls moyens de stockage « économiquement compétitifs » (même si les conditions de marché actuelles ne permettent pas de rentabiliser un investissement sans des aides) à court terme avec un potentiel de développement encore significatif en France métropolitaine. A cela s’ajoutent 13 à 20 TWh de stockage thermique via les ballons d’eau chaude (consommation électrique pouvant être déplacée).

Selon différentes études, les besoins de stockage à l’horizon 2023 sont faibles en France continentale, le système électrique français ayant assez de résilience pour absorber la production accrue d’énergies renouvelables à cet horizon. Le diagnostic des besoins de flexibilité du système électrique français effectué par RTE et présenté dans son bilan prévisionnel 2015 fait notamment apparaître qu’il n’y aurait pas de besoin de stockage infra-journalier avant 2030. En revanche, un besoin éventuel pour des moyens de stockage infra-hebdomadaires pourrait apparaître avant cette échéance, mais a priori après 2023, pour pouvoir pallier par exemple plusieurs jours sans vent ou sans soleil. Il s’agit donc d’un besoin pour des moyens de stockage « longs » auxquelles sont susceptibles de répondre les STEP mais également d’autres technologies de stockage telles que l’hydrogène, le stockage d’énergie par air comprimé, certaines formes de stockage thermique.

En fonction de l’évolution des prix de l’électricité, le stockage pourrait présenter des opportunités pour développer l’autoproduction à partir d’énergies renouvelables.

Il est donc important à court terme de continuer à favoriser des projets de R&D amont ou de démonstration (ex : programme des investissements d’avenir pour les démonstrateurs, fonds unique interministériel pour des projets de recherche collaboratif, soutien de projets de recherche et développement par l’ANR) visant à développer les solutions de stockage d’électricité qui pourraient permettre, à moyen terme (plutôt autour de 2030), la poursuite de l’augmentation de la part des EnR dans le mix électrique.

Les zones non interconnectées (ZNI) au réseau métropolitain (Corse, DOM-COM) représenteront un terrain d’expérimentation extrêmement favorable pour certaines technologies de stockage.

Les moyens de stockage décentralisés présentent encore un coût d’investissement élevé, qui au regard du stade de développement et de compétitivité actuels des technologies, ne permet pas leur rentabilité en métropole continentale par la seule amélioration du taux d’autoconsommation et les moindres soutirages sur le réseau. Le coût des technologies baisse toutefois rapidement.

Ainsi, si les coûts d’investissements sont aujourd’hui trop élevés pour un déploiement massif de systèmes de stockage décentralisé en métropole à très court terme, les coûts de certaines technologies de stockage sont désormais très proches des coûts de production de l’électricité dans les zones non interconnectées et un programme de déploiement de stockage décentralisé pourrait être envisagé à court terme dans ces zones.

Les réseaux électriques et les smart grids

Le réseau de transport

Géré par RTE (Réseau de Transport d’Electricité), le réseau public de transport d’électricité est constitué de toutes les lignes exploitées à une tension supérieure à 50 kV sur le territoire métropolitain continental. Il comprend plus d’une centaine de milliers de km de lignes électriques à haute et très haute tension, plus de 1000 transformateurs et environ 4000 postes de livraison. Par ailleurs, le réseau public de transport d’électricité français est interconnecté avec 6 pays (Grande-Bretagne, Belgique, Allemagne, Italie, Espagne et Suisse).

Dans la décennie à venir, les investissements sur le réseau sont estimés en moyenne à 1,5 milliard d’euros par an, dont 1 milliard pour le développement du réseau et 400 millions d’euros pour le renouvellement des équipements selon RTE.

En effet, l’essor d’une production électrique décentralisée se traduit par l’apparition de nouvelles zones de production, induisant un besoin de renforcement du réseau de transport. Par ailleurs, le caractère intermittent des énergies renouvelables, en développement dans toute l’Europe, ainsi que l’objectif d’intégration des marchés européens renforcent le besoin d’interconnexions entre la France et ses voisins

RTE anticipe ainsi un besoin de création et de renforcement d’ouvrages de l’ordre de 2000 km pour la décennie à venir. Ces investissements permettront notamment de créer 4 GW de capacité d’accueil de production éolienne offshore supplémentaire et 10 GW de capacités d’interconnexions additionnelles.

Après la mise en service de l’interconnexion entre Baixas et Santa Llogaia, une nouvelle interconnexion avec l’Italie sera mise en service en 2017. Trois autres interconnexions sont en cours d’instruction avec la Grande-Bretagne et d’autres sont à l’étude avec l’Espagne et avec l’Irlande.

Les réseaux de distribution

Les réseaux de distribution d’électricité sont constitués d’ouvrages de moyenne tension (entre 1 000 V et 50 kV) et d’ouvrages de basse tension (inférieure à 1 000 V). La distribution publique d’électricité s‘exerce dans le cadre de concessions locales attribuées par les autorités organisatrices de la distribution d’électricité (AODE), généralement par l’intermédiaire de syndicats d’électrification intercommunaux. Enedis (ex-ERDF) est, sur 95 % du territoire métropolitain, le concessionnaire obligé des AODE pour la gestion de leurs réseaux de distribution d’électricité. 5% du territoire métropolitain sont par ailleurs desservis par les quelque 150 « entreprises locales de distribution » (ELD). Enedis exploite plus d’un million de km de lignes,  près de 800 000 postes de distribution (HTA/BT) et environ 2 000 postes sources (HTB/HTA), desservant 35 millions de clients.

Enedis est entré depuis 2005 dans un nouveau cycle d’investissements. Les investissements prévus par Enedis hors Linky pour 2016 sont de 3 255 M€, en hausse de 2.5% par rapport à 2015 (3 175 M€). Les autorités concédantes investissent également chaque année (aides comprises) de l’ordre de 800 à 900 M€ dans les réseaux de distribution.

Sur la période 2015-2023, les besoins d’investissements dans les réseaux de distribution d’électricité vont continuer de croître pour plusieurs raisons :

  • l’arrivée de nouvelles sources de production et de flexibilité sur les réseaux de distribution modifie leur structure ;

  • le maintien d’un haut niveau de qualité de l’électricité distribuée nécessite de renouveler et de sécuriser les réseaux existants.

Les réseaux de distribution ont été initialement conçus uniquement dans un sens descendant, c’est-à-dire pour acheminer l’électricité vers les zones de consommation. Or le réseau basse et moyenne tension accueille aujourd’hui l'essentiel des nouvelles capacités d’énergies renouvelables décentralisées, nécessitant des démarches de modernisation afin de permettre un fonctionnement bidirectionnel des réseaux.

Le développement de la production décentralisée, notamment dans des zones de consommation peu denses, nécessite généralement la création ou le renforcement des ouvrages de réseau. A cet égard, la localisation des installations de production décentralisée par rapport aux capacités d’accueil du réseau ainsi que la taille des installations sont déterminantes en termes de coûts de raccordement. En outre, l’arrivée de la production intermittente apporte de nouvelles contraintes en matière de gestion du réseau, face auxquelles la modulation de la production est une piste envisagée.

En matière d’intégration des véhicules électriques, les investissements vont dépendre notamment de la nature des bornes installées (recharges rapides ou lentes), qui génèrent plus ou moins de contraintes sur le réseau.

Vers des réseaux dits « intelligents »

Les réseaux électriques intelligents regroupent un ensemble de fonctionnalités permettant de répondre à différents défis de la transition énergétique. Ils visent notamment à optimiser les investissements dans les réseaux et à permettre l’insertion massive des productions intermittentes et des véhicules électriques, via l'utilisation de fonctions avancées de gestion, d'observabilité et de conduite des réseaux offrant plus de flexibilité, ainsi que le pilotage de la demande. L’évolution vers plus d’intelligence des réseaux devrait combiner le déploiement de nouvelles familles d'équipements (capteurs, équipements télé-opérables, équipements de communication, …), la numérisation des équipements existants et le développement de logiciels et systèmes informatique capables de traiter les volumes d’informations collectées sur les réseaux.

Le déploiement du compteur communicant d’électricité a débuté le 1er décembre 2015 et se poursuivra jusqu’en 2021. Un comité de suivi du déploiement du compteur communicant a été mis en place depuis décembre 2014, sous l’égide de la direction de l’énergie, afin de partager et de suivre dans la durée et avec l’ensemble des parties prenantes, les enjeux liés au déploiement de ces nouveaux compteurs.

Le compteur communicant apporte deux principales innovations par rapport aux compteurs actuels :

  • une mesure plus fine de la consommation et des informations relatives au niveau de qualité;

  • une capacité de communication bi-directionnelle : il peut transmettre les données qu’il mesure et recevoir des ordres à distance.

A l’amont, le compteur communicant devrait augmenter l’observabilité du réseau basse tension, avec notamment :

  • un suivi plus fin du niveau de la tension sur le réseau basse tension ;

  • une détection plus rapide des pannes ainsi que des anomalies de consommation.

Le compteur communicant permettra ainsi d’optimiser la gestion et le développement du réseau de distribution et de préparer les réseaux à l’intégration massive d’énergies renouvelables et de véhicules électriques

A l’aval, le compteur permettra d’améliorer la qualité du service rendu aux utilisateurs.

  • il améliorera l’information des consommateurs sur leur consommation et permettra des facturations sur la base de données réelles ;

  • il permettra des relevés à distance, qui ne nécessiteront plus la présence du client et la simplification de nombreuses opérations (changements de contrat, de fournisseur) ;

  • il pourra favoriser l’émergence de services de maîtrise des consommations, auxquels il servira de support, ainsi que l’apparition de nouvelles offres tarifaires.

L’investissement de l’ordre d’environ 5 milliards d’euros est supporté par les gestionnaires de réseaux de distribution (via le TURPE). Le modèle économique du compteur est équilibré sur sa durée de vie de 20 ans (les gains compensent les coûts de déploiement) impliquant ainsi un effet sur le tarif réseaux neutre à terme, le déploiement en lui-même se traduit par une première phase fortement capitalistique en début de projet (de 2014 à 2021), suivie d’une deuxième phase d’amortissement.

En complément, des solutions « réseaux électriques intelligentes » sont en cours de déploiement à grande échelle, dans le cadre de nombreuses expérimentations qui ont été lancées sur le territoire français depuis plusieurs années.

L’autoconsommation (autoproduction)

L’autoconsommation peut se définir comme le fait de consommer sa propre production d’électricité. Elle est associée à la notion d’autoproduction, qui est le fait de produire sa propre consommation.

Concepts d’autoconsommation et d’autoproduction

L’autoconsommation/autoproduction et la production locale d’énergie sont destinées à se développer et à prendre une place de plus en plus prégnante dans le mix électrique dans un contexte où, d’une part, les coûts de production des installations d’électricité renouvelable diminuent et où les prix de l’électricité augmentent, et, d’autre part, où les citoyens et les collectivités aspirent de plus en plus à un modèle de développement économique local de production d’électricité « verte » qui permette de répondre à leurs propres besoins.

Le développement de ce mode de production décentralisé implique dans un premier temps de définir ce dernier et d’en préciser les caractéristiques qui varient selon les sources d’énergie et les secteurs de consommation de cette énergie décentralisée. La priorité est donnée dans un premier temps à l’expérimentation dans les secteurs de consommation les plus porteurs.

Dans la pratique, les sites de consommation auront quasiment toujours besoin, à quelques exceptions près, de recourir pendant certaines périodes au réseau électrique traditionnel soit pour se fournir en électricité, soit pour injecter l’électricité produite en excédent par leur installation de production locale. Ainsi, fonctionner en autoconsommation / autoproduction ne signifie pas être en autarcie énergétique.

En termes d’impact sur le réseau électrique, le modèle d’autoconsommation / autoproduction peut avoir des effets bénéfiques par rapport à la situation la plus courante rencontrée actuellement, s’il conduit à réduire la puissance maximale injectée sur le réseau ou la puissance maximale soutirée du réseau. En incitant à un dimensionnement adapté au niveau local des installations de production, il permet potentiellement de réduire les besoins de renforcement du réseau électrique (cas de l’insertion de nouvelles capacités renouvelables dans le réseau existant). Par ailleurs, l’autoconsommation / autoproduction pourrait présenter des opportunités en termes de développement de leviers de flexibilité du système électrique au niveau local, qui pourraient compléter voire réduire les besoins d’investissements dans des moyens de flexibilités plus centralisés (interconnexion, stockage centralisé, services système reposant sur les moyens de production). Cela suppose le développement de mesures, garanties dans la durée, visant à améliorer la capacité d’adaptation et de réponse du système électrique aux évolutions de l’offre et de la demande au niveau local : pilotage et maîtrise de la demande, stockage décentralisé « collectif » (au niveau du réseau de distribution) ou « individuel » (au niveau du consommateur final), écrêtement de la puissance injectée, etc.

L’autoconsommation / autoproduction pourrait également présenter des opportunités pour le développement de mesures de flexibilité portant sur la valorisation des excédents de production couplée avec l’autoconsommation / autoproduction : technologies matures comme le stockage d’énergie thermique dans les usages (notamment ballons d’eau chaude sanitaire) ou émergentes (« power-to-gas », véhicules électriques, couplages des réseaux électriques et de chaleur, etc.) par exemple.

Il est toutefois nécessaire de veiller à ce que le développement de l’autoconsommation / autoproduction sur un site n’incite pas à consommer plus d’énergie.

En termes économiques, l’autoconsommation/autoproduction entraîne des transferts de charge entre les autoconsommateurs et les autres consommateurs qui pourraient devenir significatifs si ce modèle se développait massivement et qui pourraient donc nécessiter de modifier certains dispositifs.

En effet, dans le système actuel le développement de l’autoconsommation / autoproduction conduit à réduire l’assiette de perception de différentes taxes et contributions : la fiscalité générale (TVA), la CSPE ainsi que d'autres taxes, notamment locales. Par ailleurs, s’agissant du Tarif d’Utilisation des Réseaux Publics d’Electricité (TURPE), l'autoconsommation / autoproduction implique des transferts de charges des autoconsommateurs vers les autres utilisateurs des réseaux, liés à la diminution de la part variable de leur facture, sans pour autant que cela n’induise une diminution du dimensionnement des réseaux. Ceci pose ainsi la question de l’évolution de la structure du TURPE en prévision du possible développement de l’autoconsommation / autoproduction, au regard notamment de l’équilibre entre la part assise sur la puissance et celle assise sur l’énergie. Ces impacts pourront devenir dimensionnants si l’autoconsommation / autoproduction se développe de manière significative.

Au-delà de la question des enjeux économiques, l’essor de la production décentralisée nécessitera de trouver des modalités de financement adaptées, car le modèle de l’autoconsommation / autoproduction est plus complexe à appréhender sur le plan financier que le modèle du tarif d‘achat :

  • les revenus sont plus difficiles à évaluer, associent plusieurs sources (prime, vente sur le marché) et dépendent en partie des revenus du consommateur (facture évitée) ;

  • le modèle suppose un montage entre deux personnes distinctes, producteur et consommateur, qui peut être remis en cause sur la durée du contrat (changement d’activité, faillite, etc.).

Le marché d’ajustement

Maintenir l’équilibre entre la production et la consommation d’électricité nécessite de pouvoir moduler finement en temps réel les niveaux de production et de consommation des capacités flexibles. La loi confie cette mission au gestionnaire du réseau public de transport, RTE, qui s’appuie sur les dispositifs des services système (réserves primaire et secondaire) et du mécanisme d’ajustement. Ce dernier permet à RTE d’activer les offres de modulation faites par les acteurs d’ajustement, en fonction du besoin identifié, et en privilégiant les offres les plus compétitives.

L’intégration des énergies renouvelables au système électrique passe non seulement par l’adaptation des énergies renouvelables au système, mais aussi par l’adaptation du système aux énergies renouvelables. Concrètement, cela signifie que les marchés de l’électricité, et notamment le marché d’ajustement, doivent s’adapter aux évolutions du système électrique, en proposant des produits adaptés aux nouvelles sources de flexibilité (énergies renouvelables, stockage, effacement).

C’est pourquoi, dans le cadre de discussions au niveau européen, plusieurs adaptations du marché d’ajustement sont en cours pour tirer le meilleur parti des nouvelles capacités de la transition énergétique, comme par exemple :

  • le raccourcissement des échéances de contractualisation des capacités d’ajustement,

  • l’élargissement des possibilités d’agrégation, les agrégats pouvant être définis de manière plus dynamique,

  • la limitation des actions de RTE au plus proche du temps réel, ce qui permet aux producteurs renouvelables de réactualiser plus précisément leurs prévisions.

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